Des nouvelles de Mont Druk Amitabha
25 février 2008
Voici une paire de semaines que je n'ai pas eu le temps
de toucher au clavier de l'ordinateur car j'étais pris
par toutes les cérémonies ; principalement, comme vous
le savez tous, c'était mon anniversaire qui tombe le dixième
jour du premier mois tibétain. Même si, à titre personnel,
je ne suis pas trop enthousiasmé par ce type de célébration,
cela semble toujours être une belle occasion pour que
mes amis et mes étudiants bienveillants se réunissent.
J'ai aussi le sentiment qu'il y a un peu de positivité
générée par le fait que nous nous rassemblions tous dans
un temple ou dans un même lieu.
Après avoir célébré Losar (le Nouvel An) à Darjeeling,
je suis venu au Mont Druk Amitabha à Katmandou et j'ai
découvert que mes nonnes avaient fait un excellent travail
pour préparer les fêtes d'anniversaire de Thuksey Rinpoché
et de moi-même et l'intronisation de Jetsunma Tenzin Palmo.
Comme je le dis toujours à mes collègues, je suis une
personne si peu instruite que mes nonnes aussi n'ont pas
de formation de type académique. En fait j'étais plutôt
inquiet après leur avoir confié la responsabilité de la
préparation. Mais leur dévotion et leur dévouement à la
lignée ont tout réglé de bien jolie manière. Mes amis
et mes étudiants m'ont dit que j'avais vraiment de la
chance d'avoir toutes ces nonnes merveilleuses. J'ai aussi
été très ému par leurs efforts et je sais qu'elles ont
réellement fait de leur mieux. Maintenant elles ont une
équipe qui s'occupe des projets, avec l'assistance d'un
de mes moines, Wangchuk, qui aide à la supervision du
travail de construction au Mont Druk Amitabha, et de l'équipe
administratif qui contrôle et supervise le budget. Elles
n'ont jamais reçu d'éducation ou de formation pour mener
et gérer des projets, et pourtant elles ont fait un si
bon travail qu'elles sont devenues un modèle de référence
pour mes autres nonneries et monastères et pour mon bureau
de Delhi. Comme me l'a dit mon gourou : "La dévotion,
c'est tout."
Le travail d'un maître spirituel est d'enseigner et de
partager le chemin de l'éveil. Quel manque de chance que
d'être gourou à notre époque ! Je me suis senti comme
un âne qui porte un éléphant ; non seulement les gourous
doivent-ils donner des conseils spirituels, mais nous
devons aussi fournir une aide matérielle sinon nous serions
considérés comme irresponsables et peu aimables. La plupart
des gens viennent à moi pour me demander quelque chose
et j'ai le sentiment que ceci ne s'arrêtera qu'une fois
que j'aurai dit "au revoir" à ce monde.
Je ne veux pas faire l'éloge de mes nonnes outre mesure,
mais je tiens à dire qu'elles ont fait de leur mieux pour
ne jamais m'importuner avec toutes les questions financières
et logistiques, et qu'elles ont vraiment bien travaillé
avec mes groupes humanitaires en Occident et en Orient.
On m'a dit qu'elles fournissent des comptes rendus hebdomadaires,
avec photos et analyse des coûts du projet à l'appui.
Parfois je suis réellement désolé que mes pauvres nonnes
doivent sacrifier leur temps de pratique pour faire ce
type de travail. Par exemple, pendant les six jours de
célébrations, aucune de mes nonnes qui travaillent au
bureau n'est venue se joindre aux prières ; au lieu de
cela, elles sont restées au bureau pour aider mes amis
et mes étudiants et répondre à leurs requêtes et à leurs
besoins. Elles ont dit que travailler au bureau pour moi
et pour mes étudiants et mes amis est, pour elles, une
forme de pratique spirituelle. Quelle merveilleuse et
gentille pensée ! Je crois que la plupart des gens auraient
essayé de se joindre à la kora et aux cérémonies
en oubliant leur travail au bureau. Je pense réellement
que, grâce aux bénédictions de mes gourous, ces nonnes
sont venues égayer ma vie, morose par ailleurs. Mon étudiant,
Jigmé Migyur, qui a si gentiment pris la lourde responsabilité
de Contrôleur financier du Groupe, m'a dit à plusieurs
reprises à quel point il était ému par le dévouement des
nonnes et combien elles sont entièrement à mon service
et au service de la lignée. Au fait, je veux remercier
Jigmé Migyur pour ses voyages fréquents à Katmandou et
à Delhi afin d'aider à former mes nonnes à Katmandou et
mon personnel de bureau à Delhi. J'espère que le bureau
de Delhi travaillera bientôt de façon aussi efficace que
le bureau de Katmandou.
C'était aussi fantastique de voir Jetsunma Tenzin Palmo
avec son entourage de nonnes et d'amis. Elle est d'une
si grande inspiration pour aider les pratiquantes femmes,
alors que les maîtres masculins comme moi-même n'avons
pas fait grand chose. J'espère et je prie que ses activités
fleurissent et soient bénéfiques à de nombreux êtres,
en particulier aux pratiquantes. On m'a dit que c'était
la première fois que Khamtrul Rinpoché Jigmé Péma Nyinjadh
rencontrait Jetsunma. Rinpoché demandait constamment où
était Jetsunma pendant la kora au stoupa de Swayambhunath,
et je sais qu'il s'est senti proche d'elle dès l'instant
où il l'a rencontrée. Cela doit être l'effet d'une connexion
karmique passée. Les bodhisattvas ont de nombreuses manifestations.
Notre lignée a la grande chance d'avoir deux Khamtrul
Rinpochés qui servent la lignée et aident les êtres de
différentes manières. Peut-être, un jour, se rencontreront-ils
pour parler du futur de la lignée et de comment travailler
ensemble pour le bien des disciples de la lignée Drukpa.
Je serais si heureux de voir ces jeunes maîtres de notre
lignée partager mes lourdes responsabilités.
J'espère donc que le Concile Drukpa annuel (CDA) fournira
une très bonne occasion aux jeunes maîtres de notre lignée
de partager leur savoir. À propos, je suis ravi que Jetsunma
ait accepté ma requête de faire partie du conseil consultatif
; de plus, Jetsunma et moi-même avons aussi demandé à
Khamtrul Rinpoché Jigmé Péma Nyinjadh d'être le président
organisateur pour ce premier Concile. Bien sûr, comme
le CDA se tiendra à tour de rôle, j'espère que toute la
jeune génération des maîtres de notre lignée aura éventuellement
l'opportunité d'organiser le CDA, conjointement avec leurs
entités monastiques, leurs amis et leurs étudiants.
Mon grand ami, le Vénérable Maître Minh Tri du Vietnam,
est aussi venu se joindre à moi pour la célébration de
mon anniversaire et j'ai été très touché que, malgré un
emploi du temps chargé et bien qu'il ait dû partir rapidement
pour la Pologne après Katmandou, il ait fait un si grand
effort pour venir se joindre à moi. J'ai ressenti la chaleur
de ce merveilleux geste d'amitié et de soutien. Je prie
constamment pour sa bonne santé et la réussite dans tout
ce qu'il fait. En raison de la sincérité et de la dévotion
des fidèles vietnamiens, j'ai décidé d'y passer plus de
temps la prochaine fois que je m'y rends ; on organisera
peut-être un programme de dix jours.
J'ai aussi été très surpris de voir combien les activités
Live to Love (Vivre pour Aimer) étaient bien organisées
par les nonnes et mes adeptes. J'ai entendu dire qu'ils
ont rendu visite à plus de 40 familles, en se basant sur
le recensement des familles fait par les nonnes auparavant,
et qu'il reste environ une centaine de villageois dans
l'attente d'une aide. De toute façon, je suis sûr que
mes nonnes vont continuer de mener à bien les activités
Live to Love avec régularité et enthousiasme. Il
est très facile de commencer à faire quelque chose de
bien, mais poursuivre jusqu'au bout est vraiment difficile.
Voyons ce qui se passera dans un an, et si mes amis et
mes étudiants seront toujours en train de travailler dur
pour faire le bien de leurs communautés d'êtres humains
et autres, au nom de Live to Love.
Au fait, j'aimerais vous dire à tous quelque chose qui
me tient vraiment à cœur. J'ai utilisé une partie de mon
argent de poche pour construire une cafétéria que les
nonnes vont gérer au Mont Druk Amitabha. J'espère que
la cafétéria et l'auberge les aideront à devenir peu à
peu indépendantes financièrement et qu'elles n'auront
pas à mendier pour leurs dépenses mensuelles. Je ne sais
pas si mon souhait se réalisera, mais si nous n'essayons
jamais, nous ne saurons jamais. À l'heure actuelle, l'auberge
a environ 40 lits et peu à peu nous la rendrons de plus
en plus agréable avec un système de chauffage solaire.
Je crois que mes nonnes ont besoin de conseils sur comment
gérer ces choses.
Une autre nouvelle enthousiasmante à partager est que
quelques poissons qui vivent très longtemps vont arriver
du Japon et vivre au Mont Druk Amitabha, dans le bassin
que Jigmé Phendé construit pour moi. Je pense que c'est
de très bon augure qu'il offre cette espèce de poisson
spéciale pour ma longévité. Mais personnellement je ne
m'attends pas à vivre plus de 300 ans - on m'a dit que
cette espèce de poisson vit plus de 400 ans. Ce serait
tellement triste pour moi de voir tous mes amis et étudiants
partir, l'un après l'autre, me laissant seul avec ces
poissons de longue vie. En tout cas, j'apprécie tous ces
petits gestes que font des étudiants comme Jigmé Phendé
en témoignage de leur amour et de leur affection pour
moi. Je vais faire de mon mieux pour rester en bonne santé
et vivre plus longtemps, mais certainement pas jusqu'à
400 ans.
Vous avez peut-être entendu dire que nous avons fait
13 koras au stoupa de Swayambhunath. En raison
du manque de temps ou d'encouragement, je fais normalement
six tours dans une session, mais jamais 13 tours, jusqu'à
cette fois. Je n'ai eu aucun problème cette fois à marcher
pendant autant d'heures et aucun de mes amis ou de mes
étudiants n'a eu de problème non plus. Beaucoup d'entre
eux m'ont dit qu'ils n'avaient pas l'impression de marcher
; c'était comme si quelqu'un marchait à leur place. Ils
pensaient que cela avait à voir avec moi, mais je ne le
crois pas forcément parce que c'était beaucoup grâce à
leur dévotion qu'ils avaient accompli les 13 tours de
kora. Je pense que l'éveil ultime est aussi comme
ça. La dévotion rend tout possible dans cette vie et les
vies suivantes.
Je veux tous vous remercier du fond du cœur pour votre
présence et votre soutien et je pense que c'est la raison
principale pour laquelle nous avons terriblement besoin
de prendre refuge dans la Sangha pour notre pratique.
Pas seulement la kora, mais le Drubchen
de huit jours, conduit par les nonnes, fut aussi un grand
événement spirituel pour nous tous. Même pour ceux qui
ne savaient pas comment participer à la puja ou
au Drubchen correctement en raison de problèmes
de langues, ils ont pu de toute évidence partager la chaleur
et le bonheur d'être ensemble avec la Sangha.
Et bien, je ne sais pas quand j'écrirai à nouveau. S'il
y a autre chose que je peux partager avec vous tous, j'essaierai
de dire quelque chose, de temps en temps. Jusqu'à la prochaine
fois, meilleurs souhaits à tous !
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