Jigmé, comme vous le savez tous, veut dire « Sans peur
» en tibétain. C’est la qualité courageuse que vous devriez
développer quand vous vivez dans ce monde. Cela ne veut pas
dire que vous devez être en train de détruire quelque chose
ou quelqu’un sans peur. Je pense que dans ce cas, il s’agit
plutôt d’une attitude lâche parce que vous n’aimez pas quelque
chose ou quelqu’un. Vous ne voulez plus voir cette chose ou
cette personne. Vous ne supportez plus de la voir, alors vous
voulez la détruire. Cela veut dire que vous êtes faible, et
non pas sans peur ou courageux.
J’ai toujours l’impression que beaucoup parmi nous manque le
courage de nous regarder en face dans la glace, tandis que nous
observons constamment les autres sous une loupe. Parfois, il
nous arrive même de constater qu’ils ont de la poussière dans
leurs pores, et de nous plaindre qu’ils sont sales. Alors c’est
de cette façon que nous nous rendons misérables, négatifs et
faibles. Tout d’abord, nous devrions avoir le courage de nous
regarder en face et de nous apercevoir clairement. Connaître
ses propres défauts est aussi une façon de vivre sans peur,
parce que c’est seulement quand vous connaissez vos propres
défauts et que vous les reconnaissez que vous allez pouvoir
arrêter les choses et dire, « D’accord. Maintenant je dois m’améliorer.
Je dois changer. » Connaître vos propres capacités et aptitudes
est aussi très important. Si vous n’arrivez pas à gérer, ou
n’a pas l’aptitude à gérer les tâches qui vous sont confiées,
alors vous devriez tout simplement abdiquer, volontiers et sans
peur, retourner voir votre superviseur et le laisser trouver
quelqu’un d’autre qui fera un meilleur travail. Se rendre, et
abandonner son propre ego, est une excellente manière de vivre
sans peur.
Par moments, je me surprends à partir dans la mauvaise direction
en raison de ma paresse, de mon incompétence et de mon refus
d’admettre mes propres défauts. Il m’arrive même de blâmer les
autres quand quelque chose n’aboutit pas correctement. Je dirais
que blâmer les autres et trouver des excuses pour soi-même sont
les manières des lâches. Ainsi, j’espère que chacun de nous
utilisera sa vie, son expérience acquise au cours de cette courte
vie et ses rencontres avec les autres comme des moyens d’améliorer
sa nature primordiale sans peur, et qu’en ce faisant, nous deviendrons
meilleurs, ou tout du moins plus compréhensifs et moins égoïstes.
De nombreuses personnes m’ont demandé pourquoi j’ai dû célébrer
deux anniversaires. À vrai dire, je ne suis pas d’accord pour
célébrer l’anniversaire. Ce n’est pas en fait dans mon dictionnaire,
célébrer l’anniversaire. Mais je suis très heureux si mon anniversaire
peut devenir l’objet d’un rassemblement qui bénéficie à
autrui. Cette année, grâce à la Young Drukpa Association
(YDA) au Ladakh et mes nonnes ici au Mont Druk Amitabha, j’ai
eu deux grandes célébrations d’anniversaire, quelque chose auquel
je ne m’attendais pas du tout. Comme vous pouvez le voir dans
les photos, les gâteaux étaient beaucoup plus grands, surtout
celui offert par la YDA au Ladakh. Je n’ai jamais rien vu de
semblable, mais c’était bon parce que nous avons pu partager
ce grand gâteau avec plus de 45 000 personnes. Même si on était
en plein hiver, qu’il faisait -30° et qu’il était très difficile
d’obtenir des fleurs fraîches, les gens étaient tellement dévoués
qu’ils avaient même réussi à procurer des fleurs fraîches et
des arbres pour transformer le lieu en un endroit très vert
et coloré. On m’a dit que toutes les fleurs et les plantes avaient
été livrées par avion de Jammu et de Delhi le matin même afin
de décorer le lieu. J’en étais très content, non pas parce qu’il
y avait tant de gens présents pour célébrer mon anniversaire,
mais en raison de la chaleur et de la sincérité qu’ils m’offraient
joyeusement et harmonieusement. J’avais l’impression d’être
un père heureux de 45 000 enfants. J’étais aussi très heureux
de pouvoir amener avec moi mon nouveau fils, Gyalwa Lorépa,
et sa famille au Ladakh. Bien sûr, Chechok Rinpoché, qui vient
d’être intronisé, se porte aussi très bien. Seulement, je me
demande parfois pourquoi Chechok Rinpoché est plus petit que
Gyalwa Lorépa, bien qu’ils aient presque le même âge. C’est
quelque chose que je n’ai pas réussi à comprendre.
Kyabjé Adeu Rinpoché
L'intronisation de
Chechok Rinpoché
Ensuite, quelques semaines plus tard j’ai eu un autre grand
anniversaire organisé par les nonnes, les moines et les dévots
au Népal, au Mont Druk Amitabha, et beaucoup de mes amis et
étudiants de par le monde se sont réunis pour célébrer mon anniversaire.
C’était aussi une occasion très heureuse. Les nonnes ont passé
plusieurs nuits blanches à décorer le temple et tout aux alentours.
Ceux qui savent combien l’endroit est grand comprendront que
ce n’est pas facile de décorer et de tout bien arranger, en
particulier parce que la célébration d’anniversaire a eu lieu
juste après le Zangchöd Bum. Toute cette énergie positive, qui
est encourageante et bénéfique, est quelque chose que j’appellerais
« Jigme », pas vous ?
Je suis aussi très fier qu’avec l’aide du Dr. Ruit et un petit
nombre de bienfaiteurs, principalement Phendé, nous avons réussi
à offrir « la vue » à 200 pauvres. Le jour où je suis allé enlever
les compresses qui recouvraient les yeux d’une vieille femme
népalaise, j’avais réellement l’impression que j’étais devenu
un Bodhisattva authentique ayant la capacité de réduire la souffrance
d’autrui. Elle était tellement heureuse, sautant et dansant
de joie. Pendant de nombreuses années, elle n’a rien pu voir
et maintenant, elle pouvait voir son fils, les fleurs magnifiques,
les personnes autour d’elle… le monde entier qui l’entoure était
devenu si clair. Elle était restée sans voix et n’arrivais qu’à
me regarder avec un bonheur qui m’a fait monté les larmes aux
yeux. J’espère, du fond du cœur, pouvoir focaliser l’énergie
de la Clinique Druk Péma Karpo sur le don de ce genre d'intervention
chirurgicale aux pauvres. Dans notre pratique, nous offrons
toujours de la lumière. La lumière est aussi une énergie « Jigmé
» qui dissipe les ténèbres et vous montre le chemin. Les yeux
que nous avons sont la lumière et font la même chose. Je prie
très fort pour que ce souhait puisse se réaliser. Vous pouvez
dire que c’est mon souhait d’anniversaire. Je pense que la prochaine
équipe de « Live to Love International » devrait étudier la
possibilité d’avoir ce type d’hôpital au Ladakh. Je sais que
de nombreuses personnes sur place, dont bon nombre d'enfants,
ont beaucoup de problèmes de vue, et cela me brise le cœur quand
je vois ce genre de choses.
Outre toutes ces nouvelles excitantes, je viens d’être informé
d’une très bonne nouvelle concernant l’heureux retour de notre
bien-aimé Kyabjé Adeu Rinpoché. Je tiens à remercier Mei d’avoir
envoyé cette grande nouvelle de Chine. J’espère qu’elle m’enverra
davantage de photos de tout l’événement. La nuit précédant le
dîner de bienfaisance à Hong Kong en faveur du projet de stoupa
à Nangchen, l’un des plus grands souhaits du précédent Kyabjé
Adeu Rinpoché, j’ai fait un rêve très étrange mais très clair.
Je voyais Rinpoché dansant dans le ciel en posture de vol. Il
disait très joyeusement, « Je suis déjà revenu te voir. Tu n’as
plus à te faire de soucis. Je suis ici pour soutenir ton activité.
Je suis ici pour aider notre lignée Dragon bien-aimée et tous
les êtres sensibles. Ne te fais pas de soucis du tout. » Il
dansait dans le ciel. À cause de mon ignorance, je ne me rendais
pas compte que je rêvais. En fait, j’étais très confus. Je pensais
que Kyabjé Adeu Rinpoché nous avait déjà quitté, et donc pourquoi
est-ce qu’il apparaissait dans le ciel. Je me suis dit, « Waouh
! Il doit être en train de me montrer un miracle ! » Je me souviens
lui avoir dit beaucoup de choses et lui avoir marmonné maints
discours tandis qu’il était très occupé à danser, rire et sourire,
vêtu des habits qu’il avait l’habitude de porter. Il avait l’air
très jeune et très énergique. Pendant presque trois ou quatre
heures je rêvais de lui en train de danser dans le ciel. Ensuite,
je me suis réveillé et ai réalisé qu’il ne s’agissait que d’un
rêve. Il était déjà l’heure de ma pratique matinale. Je pensais
que le rêve était un signe que Kyabjé Adeu Rinpoché viendrait
bénir le dîner de bienfaisance, et que la collecte de fonds
allait très bien réussir. C’est tout ce que j’avais à l’esprit.
La première chose qui me vint à l’esprit fut que je me demandais
où il était et avais l’impression que je devais vraiment prendre
la responsabilité de m’occuper de lui, puisque le précédent
Rinpoché était le plus grand maître de notre lignée. C’est à
cela que je pensais. La deuxième chose que j’avais à l’esprit
fut de prier pour que le dîner de bienfaisance pour le stoupa
dédié au roi Ashoka soit béni et réussi. Ce furent les deux
seules choses que j’avais très à l’esprit.
Puis, une demi-journée plus tard, Kyabjé Satrul Rinpoché, le
neveu du défunt Kyabjé Adeu Rinpoché, est venu et j’ai lui ai
parlé de mon rêve, mais beaucoup plus en détail. Je n’écris
pas les détails ici parce que je ne veux pas vous ennuyer, les
lecteurs. Alors avec beaucoup plus de détails, j’ai partagé
mon histoire avec Satrul Rinpoché. Il a dit que cela devait
être un signe. Il était très heureux, mais ne voulait pas partagé
beaucoup de choses avec moi en disant qu’il pouvait y avoir
de nombreux obstacles pour aucune raison, alors nous ne devrions
pas trop en parler. J’étais d’accord. Maintenant, vous pouvez
voir que Kyabjé Adeu Rinpoché est revenu comme le fils cadet
de Satrul Rinpoché, âgé de moins de deux ans. Il avait laissé
une lettre de prédiction de plusieurs pages avant son trépas,
et la lettre a été ouverte il y a quelques jours et lue devant
le public. N’est-ce pas étonnant ? J’étais tellement ému et
heureux que j’étais sans voix.
Comme vous le savez tous maintenant, mon collègue bien-aimé
Kyabjé Sengdrak Rinpoché, décédé très jeune à l’âge de 53 ans,
est aussi de retour. Il sera intronisé le 10 avril, et c’est
une très bonne nouvelle pour de nombreuses personnes, notamment
ses étudiants. Voici un clip Youtube qui montre mon nouveau
fils bien-aimé, qui a tout juste quatre ans mais qui est tellement
brillant.
Par ailleurs, d’ici quelques années nous aurons le plaisir
de participer à l’intronisation de Kyabjé Adeu Rinpoché. Et
qui sait, peut-être d’ici là nous pourrons tous aller à Nangchen,
dans le Tibet oriental, pour célébrer encore non seulement l’intronisation,
mais aussi l’inauguration de la grande statue du Bouddha Amitabha
et du stoupa dédié à Ashoka.
Quoiqu’il en soit, je suis vraiment fier d’être un membre de
la famille Dragon.